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vendredi 17 octobre 2025
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Paris La Défense va (encore) devoir réinventer son modèle économique pour ne pas vaciller

La Chambre régionale des comptes d’Île‑de‑France alerte sur la fragilité financière de Paris La Défense, bien géré mais menacé par la crise immobilière et un financement à bout de souffle, et appelle à revoir sa gouvernance et ses ressources.

La Défense va devoir revoir son modèle de financement. La Chambre régionale des comptes (CRC) d’Île-de-France épingle, dans un rapport d’observations définitives adopté en février et communiqué en juillet, un modèle économique devenu obsolète pour l’établissement public Paris La Défense (PLD). Chargé depuis 2018 d’aménager et de gérer le plus grand quartier d’affaires européen, l’établissement fait face à une équation financière de plus en plus délicate.

Né de la fusion de Defacto et de l’Epadesa après la scission de l’Epad en 2010, Paris La Défense cumule désormais une double mission, celle de l’aménagement des opérations d’intérêt national de La Défense et d’une partie de Nanterre et La Garenne-Colombes, et la gestion des espaces publics du quartier d’affaires. Des activités « aux temporalités différentes », rappelle la CRC, l’aménagement étant source de recettes temporaires tandis que la gestion et l’entretien constituent des charges durables.

Dans son rapport, la juridiction financière estime que le modèle de financement de l’établissement, reposant principalement sur la vente de droits à construire, n’est plus soutenable. « Ces importantes recettes d’aménagement ont initialement été très surestimées (465 millions d’euros de marges prévisionnelles totales en 2019, pour 320 millions d’euros estimées en 2023) et vont se tarir en raison de l’épuisement du foncier disponible ». La Chambre souligne que les crises successives, notamment sanitaire et immobilière, « accélèrent l’obsolescence de ce modèle économique ».

Les projections financières établies sur la période 2023-2032 montrent une impasse de financement progressive, qui pourrait atteindre près de 200 millions d’euros cumulés à l’horizon 2030 si aucune mesure n’est prise. La CRC note « une grande fragilité » même avec des hypothèses optimistes, « la trésorerie de l’établissement se dégraderait fortement au point de devenir négative et coûteuse ». Si PLD dispose encore d’une trésorerie confortable héritée de ses excédents passés, celle-ci pourrait s’épuiser dès 2028 en l’absence de nouvelles recettes.

Le rapport évoque aussi la hausse de la vacance des bureaux. « Plus d’un million de mètres carrés de bureaux sont aujourd’hui obsolètes et progressivement désertés ». Le modèle d’urbanisme de La Défense « présente des signes d’obsolescence » et son avenir passe par « la diversification des types d’occupation des tours (universités, PME, logements) », malgré des « difficultés techniques et une réglementation mal adaptée ».

Si la gestion de l’établissement est jugée « rigoureuse et efficace », la Chambre estime que cette bonne gestion « ne permet pas de pallier un modèle économique non pérenne dont l’équilibre initial était largement surestimé ». Elle appelle donc à de nouvelles ressources pour assurer l’avenir du site.

« La révision à très court terme du mode de financement de l’établissement ne peut être éludée », écrit la CRC, préconisant notamment une « révision quinquennale plutôt que décennale de la convention de financement ».

Les collectivités signataires (les villes de Puteaux, Courbevoie, Nanterre et le département des Hauts-de-Seine) contribuent actuellement à hauteur de 41,2 millions d’euros par an. « Pour assurer le financement du fonctionnement et d’un PPI de nature à maintenir l’attractivité du quartier, leur contribution devrait atteindre environ 80 millions d’euros annuels, soit près du double. »

La CRC suggère aussi « une contribution volontaire de certains acteurs privés » et « le développement d’une activité foncière et immobilière en compte propre » pour compléter les ressources de l’établissement. Elle évoque également la nécessité de mieux anticiper la future délégation de service public des parkings, afin d’optimiser les recettes et les investissements à venir.

Sur le plan institutionnel, la Chambre relève « une gouvernance atypique » où « le département des Hauts-de-Seine, dépourvu de compétence en matière d’aménagement urbain et pourtant principal financeur », entretient « un lien asymétrique » avec l’établissement. Aucune convention-cadre n’a été signée entre les deux entités, ce qui « nuit à la lisibilité des engagements respectifs ».

La juridiction recommande enfin de renforcer le rôle du conseil de développement, jugé « peu actif », et d’impliquer davantage les collectivités locales dans la stratégie de l’établissement.

La CRC insiste également sur le rôle de l’État, qu’elle juge trop en retrait. L’établissement public, créé sous la tutelle conjointe de l’État et du département, pâtit d’un désengagement progressif de l’État, laissant une place prépondérante au département dans la gouvernance. Une évolution qui, selon elle, fragilise la cohérence de l’action publique sur le périmètre de l’opération d’intérêt national.

Sur le plan environnemental, la Chambre invite Paris La Défense à mieux intégrer les enjeux de transition écologique et énergétique dans ses orientations d’aménagement, notamment à travers la rénovation des tours, la végétalisation des espaces publics et le développement de mobilités plus durables.

En conclusion, la CRC note que « la gouvernance atypique de l’établissement apparaît inadaptée aux enjeux » et appelle à « revoir les modalités de financement (…) et, à cette occasion, l’organisation de la gouvernance ». Le rapport souligne néanmoins que « Paris La Défense a développé une véritable expertise relative à la gestion et à l’aménagement de l’espace public de l’OIN La Défense », et que cette structure « reste pertinente » malgré la nécessité de repenser sa forme juridique et son financement.

« Nous partageons assurément cette analyse et nous n’avons pas attendu les conclusions de ce rapport pour engager le travail sur ce sujet, qui a été évoqué en détail avec les administrations depuis des années. Aucune solution simpliste ne permettra de résoudre cette équation qui nécessite d’activer des leviers supplémentaires », s’était exprimé en juillet dernier Georges Siffredi, le président des Hauts-de-Seine et de Paris La Défense.

Mais alors, qui va devoir mettre la main à la poche pour faire vivre le quartier dans les prochaines années ? Les trois principales communes, à savoir Courbevoie, Puteaux et Nanterre, qui ont profité durant des décennies des très importantes retombées fiscales des entreprises ? Eh bien, le patron des Hauts-de-Seine n’a pas l’air forcément partant, contrairement à l’avis de la CRC.

« La solution ne peut venir que du panachage de plusieurs mesures qu’il convient d’examiner avec rigueur, comme par exemple le fléchage d’une partie de la fiscalité locale, comme la taxe de bureaux ou la taxe spéciale d’équipement, qui vont aujourd’hui à la région ou à la Société des Grands Projets (SGP) », s’est-il exprimé. Georges Siffredi envisage également la création d’une foncière à travers une société d’investissement immobilier », a-t-il ajouté.

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