Un « hasard heureux ». Il y a tout juste vingt ans, le 2 juin 2005, Raymond Moretti disparaissait, laissant derrière lui de monumentales œuvres, certaines légendaires, d’autres plus méconnues.
Dans les dédales du quartier d’affaires, sa création la plus emblématique est sans doute l’habillage coloré d’une cheminée, qu’il a signé en 1995. Il y a aussi cette sculpture oubliée et démontée dans le courant des années 2000, située à l’époque dans l’allée centrale du centre commercial Westfield Les 4 Temps.

Mais une autre œuvre sommeille dans les profondeurs du quartier d’affaires. Un véritable monstre. Et c’est justement son nom : « Le Monstre ». Élaboré durant une grande partie de sa vie de peintre et sculpteur, Raymond Moretti donne naissance à cette créature dès les années 60 dans les studios de la Victorine, à Nice, sa ville de cœur. Rapidement transférée aux Halles Baltard, à Paris, l’œuvre de bric et de broc -un assemblage de plexiglas, bois, métal, verre et peinture- doit déménager à nouveau lors du réaménagement des Halles. C’est finalement en 1973 que Le Monstre trouve refuge à La Défense, grâce au soutien de Jacques Duhamel, alors ministre des Affaires culturelles.
Et cela tombe bien car La Défense regorge d’espaces monumentaux délaissés. Sous la dalle en béton fraîchement coulée, Raymond Moretti installe sa bête aux dimensions dantesques : trente mètres de long, quinze mètres de large et huit mètres de haut.

Ce Monstre, Raymond Moretti l’a aimé, choyé. Pour l’œuvre de sa vie, l’artiste niçois et sa femme, Marie-France, ont dépensé sans compter. Dans le film « Moretti ou le Monstre oublié » de Thibaut Bertrand, diffusé en 2019 sur internet, sa veuve raconte les sommes englouties dans « sa danseuse », qu’elle voit comme « rivale ».
Jusqu’à sa mort, il y a déjà deux décennies, Raymond Moretti n’a cessé de faire croître sa créature. Depuis, la bête sommeille en silence dans l’atelier secret de son père. Devenue un mythe pour certains ou un lointain souvenir pour d’autres, elle ne se révèle aux curieux qu’à de très rares occasions.

Mais vingt ans jour pour jour après la mort de son géniteur, la veuve de Raymond Moretti, aujourd’hui âgée de 85 ans, a décidé de céder gratuitement, ce lundi 2 juin 2025, le Monstre à Paris La Défense.
Ce transfert de propriété permettra à l’établissement public de restaurer et de promouvoir cette œuvre, située dans un volume nécessitant des travaux de sécurisation. Malheureusement, de petits vandales s’étant introduits dans l’antre du Monstre à la veille de Noël 2024 ont endommagé l’œuvre. « On ne sait pas vraiment évaluer les dégâts, même s’il n’y en a finalement pas autant que ce que l’on pensait au départ », regrette Franck Boucher, directeur de l’attractivité de Paris La Défense.
« Nous allons nettoyer le local, puis restaurer le Monstre. L’idée, dans un premier temps, est de le mettre en sécurité et de rendre toute intrusion impossible pour préserver l’avenir », précise-t-il.

Désormais pleinement propriétaire de l’œuvre, Paris La Défense compte à nouveau en faire profiter les amateurs d’art. Du temps de son vivant, Raymond Moretti accueillait les curieux qui pouvaient découvrir le Monstre pour une poignée de francs. Mais depuis sa disparition, la créature vit recluse, à l’abri des regards.
S’il n’est pas encore question de rendre l’œuvre visible en permanence, l’établissement public envisage dans un premier temps de la dévoiler ponctuellement, à l’occasion de manifestations culturelles.
« Cette œuvre monumentale est l’une des singularités du quartier d’affaires et est intimement liée à l’histoire de La Défense. Cette acquisition va nous permettre d’assurer sa pérennité et sa mise en valeur future. Nous remercions Madame Moretti pour les échanges fructueux qui nous ont permis d’aboutir à cette convention et à la préservation du patrimoine artistique de Raymond Moretti », indique pour sa part Pierre-Yves Guice, directeur de Paris La Défense.
