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mardi 19 mars 2024
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Il y a dix ans le monde découvrait La Défense et son Epad avec « l’affaire Jean Sarkozy »

La célèbre affaire de l’Epad fête ses dix ans. Le 7 octobre 2009, un article du Point révélait que Jean Sarkozy allait être nommé président de l’Epad. S’en suivra une longue polémique.

L’Epad, ce sigle presque tout le monde le connaît aujourd’hui. Mais avant octobre 2009, cet établissement de l’ouest parisien en charge de l’aménagement de La Défense était quasi inconnu des français et encore plus du monde. Cette notoriété fulgurante on la doit à un certain Jean Sarkozy.

C’était il y a tout juste dix ans, le 7 octobre 2009 le magazine Le Point révélait dans un court article que le fils cadet de Nicolas Sarkozy, alors président de la république était pressenti pour prendre la présidence de l’Epad (une fonction qui n’est pas rémunérée) tout comme son père l’avait été entre 2005 et 2006. Une fonction qui était alors jusque-là assurée par Patrick Devedjian. Mais atteint par la limite d’âge (65 ans) celui qui était aussi président du conseil départemental des Hauts-de-Seine devait raccrocher de cette présidence.

Une occasion en or pour le jeune conseiller départemental aux grandes ambitions politiques tout comme son père à son âge. Pour prendre la présidence de l’établissement en charge du quartier d’affaires créé en 1958, Jean Sarkozy doit toutefois être nommé représentant du conseil départemental des Hauts-de-Seine au conseil d’administration de l’Epad puis élu par les autres membres. Une étape qui aurait pu être une simple formalité tant le département que l’établissement étaient aux mains de la droite.

Mais cette nomination ne passe pas du tout. Très vite une vive polémique éclate et ça devient « l’affaire Jean Sarkozy ». L’opposition est vent debout, l’opinion publique est en grande majorité choquée de cette nomination et la presse fait ses choux gras de cette affaire qui prend vite une résonance internationale.

Des critiques de toutes parts

Si Jean Sarkozy « ne portait pas le nom qu’il porte, est-ce qu’il serait à la place à laquelle il est aujourd’hui ? », s’interroge Ségolène Royal. Même tonalité dans les critiques de Cécile Duflot. « Dès qu’on sort des limites de l’Hexagone, les gens trouvent ça juste invraisemblable, inouï », s’agace la secrétaire nationale des Verts. Quant à Laurent Fabius, il manie l’ironie sur France Inter : « Il nous faut un juriste, il est en deuxième année de droit ; il faut quelqu’un qui connaît bien les affaires, je suis sûr qu’il a des prédispositions ; et puis Martin Hirsch a présenté un plan de promotion des jeunes, Jean Sarkozy rentre dans ce cadre ».

La majorité de droite tente tant bien que mal d’éteindre l’incendie qui devient un brasier. Hervé Novelli dénonce comme « médiocres » les critiques de Ségolène Royal. Le secrétaire d’État au Commerce estime que le fils du chef de l’Etat « a le droit de tenter et de réussir sa carrière ». Frédérique Lefebvre, alors porte-parole de l’UMP parle de « stupidité », « bête » et « indigne ».

Le principal intéressé se défend. « Je suis président de la majorité départementale depuis maintenant près de deux ans et, à ce titre, j’ai eu à connaître de tous les dossiers qui intéressent le département, explique t-il alors sur France Inter. Je demande à être jugé non pas sur l’état civil mais sur les actes et sur les résultats ».

À la tête de la fronde, on retrouve notamment Christophe Grébert, élu MoDem d’opposition à Puteaux. Le journaliste et homme politique lance dès le lendemain de l’annonce une pétition très largement signée (plus de 93 000 signatures) par les internautes pour demander à Jean Sarkozy de renoncer à ses ambitions.

Le forum internet du site de l’EPGD (l’autre établissement publique de La Défense nouvellement créé qui était en charge à cette époque de la gestion du quartier) est envahi par des dizaines d’annonce ironiques.

Une candidature de Patrick Jarry pour contrer celle de jean Sarkozy

Le lundi suivant la polémique enfle sur les réseaux sociaux notamment à travers le #jeansarkozypartout. « Népotisme », « République bananière », « Il ose tout » peut-on lire.

Le mercredi 14 octobre, Patrick Jarry, maire PCF de Nanterre décide de contrer Jean Sarkozy en se présentant également à la présidence de l’EPAD et estime ne pas être « moins légitime que Jean Sarkozy ». « Il ne s’agit pas d’une nomination, mais d’une élection », se défend avec assurance le jeune élu de 23 ans.

Le lendemain dans une interview donnée au Figaro le chef d’Etat sort du silence et prend la parole. « Ce n’est pas mon fils qui est visé, c’est moi », s’agace Nicolas Sarkozy.

Le vendredi 15 octobre un sondage CSA révèle que 64 % des Français, dont 51 % des sympathisants de droite, sont opposés et jugent « plutôt une mauvaise chose » la probable arrivée du fils cadet du président à la présidence de l’établissement public.

Une flashmob « Banana République » sur le Parvis contre la nomination de Jean Sarkozy à l’Epad le 22 octobre 2009 – Defense-92.fr

Luc Chatel, porte-parole du gouvernement tente à son tour d’apaiser la polémique en proposant que les représentants de l’Etat au conseil d’administration (9 sur les 18 membres du CA) de l’EPAD ne participent pas à l’élection de Jean Sarkozy. Mais rien n’y fait. L’opposition continue de dénoncer cette candidature et le socialiste Arnaud Montebourg déclare « qu’une chèvre pourrait être élue avec l’investiture UMP à Neuilly ».

À la veille de l’assemblée du département qui doit nommer Jean Sarkozy administrateur de l’Epad une flashmob est organisée sur le Parvis de La Défense. Quelques dizaines de participants se réunissent bananes à la main pour dénoncer une « république bananière ». Certains, moqueurs miment des appels à l’Elysée pour demander des postes.

Le soir et à la surprise générale le jeune élu se ravise. Dans une interview donnée au journal de 20 heures de France 2 il annonce renoncer à ses ambitions et se justifie. « Depuis plusieurs jours il y a beaucoup de choses qui ont été dites, beaucoup d’excès, beaucoup de caricatures et d’outrances. Puis il y a du vrai. J’ai beaucoup écouté et réfléchi et je ne veux pas d’une victoire qui porte le poids d’un tel soupçon, explique Jean Sarkozy à David Pujadas. C’est une décision que je prends en mon âme et conscience, qui est difficile mais en tout cas je n’accepte pas que ce soupçon de favoritisme puisse peser. Pendant quinze jours ont a assisté à une campagne de manipulation et de désinformation ».

Des dizaines de journalistes pour assister au sacre avorté du fils du chef de l’État

Le lendemain dans un hôtel du département surprotégé des manifestants par la police, une horde de journalistes a investi les lieux pour assister au sacre avorté du fils cadet du chef d’État. Jean Sarkozy est finalement bien nommé administrateur de l’Epad pour représenter le département.

Peu de temps après la violente polémique, Nicolas Sarkozy tente de redorer son image et effacer cette affaire qui est devenue une épine dans son pied et l’est restée durant tout son quinquennat. « A partir du moment où il y a eu une polémique » autour de la candidature du jeune homme, le chef de l’Etat a reconnu que « c’était sans doute une erreur », déclare l’Elysée à l’Obs. Selon la même source, Nicolas Sarkozy ne s’était pas opposé à la candidature de son fils cadet parce qu’il ne s’agissait pas d’une fonction « rémunérée ». « Le président de l’Epad n’a pas de salaire, pas de bureau, pas de secrétaire, pas de voiture, pas de chauffeur », ajoute l’Elysée.

Quelques semaines plus tard, le 4 décembre 2009 c’est la maire de Puteaux, Joëlle Ceccaldi-Raynaud qui est élue présidente de l’établissement face à son homologue Patrick Jarry. Ce dernier prendra finalement en 2013 les reines de l’Epadesa, issu de la fusion entre l’Epad et l’Epasa en 2010. Depuis janvier 2018 l’Epadesa et Defacto (ex EPGD) ont fusionner pour former l’établissement Paris La Défense.

Il faudra finalement attendre une interview dans le Supplément de Canal + en décembre 2014 pour que Jean Sarkozy reconnaisse « une erreur ». « Ça a été un événement marquant, et ça a été une erreur bien sûr, une erreur et une blessure. Une erreur parce que je ne savais pas à l’époque, peut-être, la valeur des symboles. Je ne me percevais pas à l’époque comme pouvant être instrumentalisé comme ça. C’est peut-être une évidence pour vous, aujourd’hui avec le recul mais à 22 ans je n’avais pas ce regard en trois dimensions », dit-il devant les caméras de la chaine cryptée.

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