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jeudi 28 mars 2024
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Au premier jour du procès le tribunal enterre l’affaire de « la chaufferie de La Défense »

Le tribunal de Nanterre a annulé le procès de l’affaire de « la chaufferie de La Défense » estimant que la procédure d’une vingtaine d’années n'avait pas respecté le droit des prévenus à être jugés dans un « délai raisonnable ».

Coup de théâtre dans ce dossier fleuve vieux d’une vingtaine d’années. Le très attendu procès de l’affaire de « la chaufferie de La Défense » qui s’est ouvert ce lundi à la quinzième chambre correctionnelle du tribunal de Nanterre a tourné cours. Alors que durant une semaine auraient dû se succéder à la barre les différents prévenus dans cette affaire de présumée corruption autour de l’attribution en 2001 du marché de la concession à Enertherm du chauffage et de la climatisation du quartier d’affaires, le tribunal de Nanterre a tout bonnement annulé la procédure par la voix du président Olivier Protard. Une affaire tentaculaire beaucoup trop vieille pour la justice qui aura usé entre son ouverture en 2002 et 2019 sept juges d’instruction.

Pour justifier cette décision rarissime, le président de la quinzième chambre a expliqué que la procédure n’avait pas respecté le droit des prévenus à être jugés dans « un délai raisonnable ». Et c’est aussi le grand âge et l’absence de certains prévenus qui a fait sauter ce procès.

Cette affaire interminable remonte à 1998. A cette époque c’est la société Climadef, une filiale de Charbonnages de France, qui est concessionnaire de la chaufferie de La Défense depuis sa construction en 1968. Trente ans après sa mise en service, le Syndicat mixte de chauffage urbain de La Défense (Sicudef) doit alors organiser le renouvellement d’une concession qui arrive à expiration. En mai 2001, le Sicudef retient le groupement d’entreprises, Enerpart-Vatech-Soffimat et il lui attribue six mois plus tard la nouvelle concession. Le groupement prendra le nom actuel, celui d’Enertherm.

Une information judiciaire est ouverte en juin 2002

Mais très vite les services de répression des fraudes tiltent sur cette attribution et signalent les « conditions irrégulières » du processus. Dans la foulée, une information judiciaire est ouverte en juin 2002 sur les chefs de corruption et trafic d’influence. De nombreuses personnes sont rapidement entendues par la justice pour s’expliquer.

Parmi-elle, Charles Ceccaldi-Raynaud, l’ancien maire de Puteaux et président du Syndicat mixte de chauffage urbain de La Défense (Sicudef), mort à l’été 2019 est l’un des personnages clef de l’affaire tentaculaire. L’édile est soupçonné d’avoir touché un pot-de-vin de 770 000 euros pour favoriser le renouvellement de la concession d’Enerpart-Vatech-Soffimat. Des accusations qu’il a toujours rejetées préférant charger sa fille avec qui il était en conflit, l’actuelle maire de Puteaux Joëlle Ceccaldi-Raynaud. Si cette accusation n’avait pas convaincu les enquêteurs elle avait en revanche permis de mettre en lumière « l’affaire des lingots », qui lui a valu le mois dernier une mise en examen pour blanchiment de fraude fiscale.

L’autre élément central de l’affaire est Jean Bonnefont, 98 ans, un ancien dirigeant des ex-Charbonnages de France présenté comme l’un des plus vieux prévenus de France. Toujours vivant, son grand âge et son état de santé ne lui ont pas permis d’être présent face à la justice pour s’expliquer. Le presque centenaire était poursuivi avec quatre autres dirigeants pour avoir truqué l’attribution de ce juteux marché. L’homme d’affaires présidait à l’époque la SEEM, société détenant Climadef, le premier concessionnaire de ce marché. Après l’explosion de la centrale en 1994 suite à un accident qui avait causé la mort de deux personnes, Jean Bonnefont était en mauvaise posture pour conserver sa concession. Il avait alors créé diverses structures visant à faire disparaitre Climadef.

Le parquet compte faire appel de la décision

Il y avait aussi Bernard Forterre, 84 ans, administrateur de Climadef, devenu le patron d’Enerpart qui avait pour mission de mener à bien le renouvellement de la concession. Présent, le vielle homme est apparu comme affaibli. Il s’est présenté avec une canne à la barre et a à plusieurs reprises somnolé sur le banc.

Sans oublier Antoine Benetti, 68 ans, un proche de Charles Ceccaldi-Raynaud. L’ancien conseiller municipal de Puteaux et directeur adjoint de l’office HLM de la ville était en outre ancien secrétaire général du Sicudef. C’est lui le troisième homme à l’origine de la création d’Enerpart.

C’est ce trio Bonnefont-Forterre-Benetti qui était soupçonné d’avoir bidouillé le marché pour assurer son attribution à Enertherm, dont les actionnaires étaient en réalité les mêmes que ceux de Climadef.

Cette décision du tribunal de Nanterre de mettre un terme à cette affaire de deux décennies a ravi la défense. « C’est une décision historique. Pour la première fois, un tribunal français met en lumière la prédominance des droits de l’Homme et des principes fondamentaux prônés par l’Europe sur les simples règles françaises », a salué Olivier Baratelli, avocat de Jean Bonnefont.

Cette affaire pourrait cependant ne pas se refermer totalement puisque le parquet qui a estimé qu’il n’y avait pas « d’excuse à la vieillesse » compte bien faire appel de la décision. De quoi satisfaire l’association Anticor, partie civile au procès pour qui cette décision était « conforme au droit » mais avant tout « une défaite de la lutte anticorruption ».

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