Huit années de travaux titanesques, une prouesse technique et des milliards d’euros injectés. Inaugurée vendredi dernier par le Premier ministre Gabriel Attal, la première phase de l’extension du RER E vers le plus grand quartier d’affaires d’Europe a accueilli ses premiers voyageurs ce lundi matin, mais avec un service très partiel.
Il aura fallu une trentaine d’années pour que l’arrivée d’Eole (l’acronyme Est – Ouest Liaison Express) à La Défense n’aboutisse. Alors qu’aux prémices du projet à la fin des années 80 il était question que la ligne E émerge dans le secteur des Batignolles à Paris pour reprendre la ligne L du Transilien, c’est dans les années 2000 qu’il est finalement décidé de prolonger le tunnel ayant jusqu’alors pour terminus la gare d’Haussmann Saint-Lazare directement vers La Défense. Plusieurs tracés sont étudiés.
C’est la solution d’un tunnel de huit kilomètres avec une station à la Porte Maillot et une autre sous le Cnit pour La Défense qui est retenue. Le tunnel doit émerger à l’arrière de l’Arche de La Défense, où doit être implantée une troisième gare, celle de Nanterre-La Folie, une véritable friche urbaine à l’époque. La ligne va ensuite poursuivre son périple à ciel ouvert vers Mantes-la-Jolie en reprenant les actuelles voies de la ligne J du Transilien.
Le lancement de cet énorme chantier débute en 2016. Son coût est chiffré à 5,4 milliards d’euros contre 3,7 milliards d’euros à l’origine. Le projet est colossal. Un tunnelier nommé « Virginie » doit forer un tube en béton d’un peu plus de six kilomètres entre l’historique terminus d’Haussmann Saint-Lazare datant de l’ouverture de la ligne en 1999 et l’avenue Gambetta à Courbevoie. Entre cette dernière et l’émergence du tunnel à Nanterre, c’est avec une structure en bi-tube d’environ 1,5 kilomètres qui est creusée avec des méthodes classiques pour se faufiler plus facilement entre les fondations des immeubles du quartier d’affaires.
A Paris, la gare de la porte Maillot est majestueuse, en cassant l’image des vieillissantes gares RER parisiennes. Elle est dessinée par l’architecte français Jean-Marie Duthilleul. Prenant la forme d’un cône, la gare est située à trente-cinq mètres de profondeur. Elle est baignée par la lumière naturelle grâce à une grande verrière située en surface. La station offre une correspondance avec la ligne C du RER, la ligne 1 du métro et le tramway T3.
Creusée sous le plus ancien des bâtiments du quartier, la gare de La Défense a été une véritable prouesse technique nécessitant pour les équipes du chantier de reprendre une partie de la structure interne du Cnit. Également imaginée par Jean-Marie Duthilleul, la gare (toujours en finitions) prend l’allure d’une cathédrale de béton, sorte d’hommage et de clin d’œil au Cnit qui surplombe l’ouvrage. Située à une trentaine de mètres de profondeur, la gare impressionne avec ses quinze mètres de hauteur sous plafond en son cœur, son large quai central de 33 mètres s’étendant sur une centaine de mètres, le tout dominé par une mezzanine. Comme à Porte Maillot, la décoration a été particulièrement soignée avec un parquet en bambou, des poteaux en béton brut et des parois de quai offrant un effet miroir ondulé. Côté équipements, la gare de La Défense bénéfice de plusieurs dizaines d’escalators et de nombreux ascenseurs.
La gare de La Défense offre plusieurs émergences. Une correspondance directe avec les quais du RER A et une autre avec les lignes L et U du Transilien et le tramway T2. La gare bénéficie d’un accès vers le parvis de La Défense au niveau de la Grande Arche et de l’avenue Gambetta. Enfin, un dernier accès surnommé « la faille » permettra dans quelques jours d’accéder à un nouveau niveau de commerces du Westfield Cnit. Tout comme pour la gare de la Porte Maillot, la gare de La Défense dispose de quelques cellules commerciales.
La troisième gare a été aménagée sur l’ancienne gare de triage des Groues. Construite à ciel ouvert, la station est en partie dominée par le nouveau siège de Vinci. Elle se compose de quatre quais, six voies et une passerelle. Un couloir souterrain sera par la suite mis en service d’ici à 2031 afin d’offrir une correspondance avec la future ligne 15 du métro.
Mais faute de trains suffisants, la mise en service d’Eole n’est que très partielle. Seulement quatre trains par heure sont prévus, entre 10 heures et 16 heures, du lundi au vendredi et jusqu’à 20 heures le week-end. Il s’agit de navettes qui n’iront pas plus loin que Magenta. Les voyageurs doivent changer de train pour poursuivre leur périple vers les branches de Chelles-Gournay et Tournan. La SNCF va profiter de cette faible amplitude d’ouverture pour achever les nombreux petits travaux de finitions dans les trois gares.
Pendant la quinzaine des Jeux Olympiques, ainsi que la semaine des Jeux Paralympiques, la ligne sera active toute la journée, mais uniquement avec des navettes circulant toutes les douze minutes pour desservir exclusivement les trois nouvelles gares, sans correspondance avec Haussmann Saint-Lazare, le terminus actuel de la ligne depuis son ouverture en juillet 1999 (excepté entre 10 heures et 16 heures en semaine et 20 heures le week-end, où il sera possible de rejoindre la capitale). Il faudra ensuite attendre la fin de l’année et l’arrivée suffisante des RER NG, le nouveau matériel, pour que la ligne puisse fonctionner pleinement.
Pour se rendre à Mantes-la-Jolie, les voyageurs devront faire preuve de patience, car l’extension ultime vers l’Ouest de la ligne ne sera ouverte qu’à la fin de l’année 2026. En attendant, les usagers devront continuer à utiliser la ligne J du Transilien depuis Paris Saint-Lazare, dont l’une des branches sera transférée dans deux ans à la ligne E. Autre solution : le réseau Express A14 en partance de La Défense. À terme, ce réseau de bus sera alors remanié lors de l’ouverture complète d’Eole.
A terme, selon les calculs de la SNCF et d’IDFM, la ligne E prolongée dans son ensemble devrait voir passer quotidiennement 650 000 voyageurs, comparé aux 370 000 actuels.